Derrière le soleil

DISPARAÎTRE, ENFIN

INTRODUCTION & GÉNÈSE

Découvrir Sunset Boulevard de Wilder, à l’âge de 14 ans, a été comme une révélation pour moi. C’était la première fois où je voyais un film commencer par la fin et où le narrateur était le mort dont il est question en début de métrage. Instamment j’ai découvert qu’il y avait moyen de raconter une histoire au travers les yeux d’un “fantôme” sans être dans un film d’épouvante, mais aussi de découvrir une nouvelle forme de timeline narrative. Peut-être y avais-je déjà été confronté par le passé, mais si tel était le cas, je n’en n’avais pas de souvenir. Quoi qu’il en soit, dans ce film la voix de Joe Gillis se propose de raconter les événements qui l’ont conduits à se retrouver mort dans cette piscine d’une magnifique propriété de Sunset Boulevard - petit à petit il va dérouler son histoire et nous tenir en haleine tout au long des presque 2h du métrage.
Je préfère le dire ici, je ne suis pas fan des spoilers ! Peu importe les avis des cinéphiles de Youtube qui pensent qu’un film doit pouvoir s’apprécier même si tu en connais la fin - car oui Jean Foncedéportouverte c’est possible, c’est pour qu’il m’arrive de revoir fréquemment les mêmes films - mais quand tu les découvres ? quoi de mieux que la surprise ? Mais lorsqu’un film est fait pour que tu connaisses la fin au démarrage de l’histoire, c’est que derrière toute la construction scénaristique est basée autour de ce principe. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas ici pour parler de ma passion pour le cinéma, rentrons dans le vif du sujet.
Disparaître, enfin met un terme à une trilogie que j’ai entamée avec J’vendrai mon âme au Diable en 2018 et poursuivis en 2020 avec Disparaître-ici. Cette trilogie est quelque part issue de mon incapacité (technique, logistique et humaine) à produire la seule histoire qui aurait dû être racontée avec Derrière le soleil qui est Où sont passées ses putains d’étoiles, histoire qui je l’espère trouvera son chemin un jour ou l’autre. Mais ce n’est pas le sujet. La première partie de cette trilogie a été un test, un instant où je me suis cherché, j’essayais de comprendre, de trouver comment raconter ce que j’avais à raconter. En 2018 j’ai sorti cet enregistrement un peu à la hâte, comme s’il me brûlait les doigts, mais au final, il n’était pas prêt. Je l’ai très vite détesté et retiré au bout de quelques semaines avant de le ressortir 3 années après, modifié pour qu’il me convienne… Mais c’est une histoire pour un autre jour. Disparaître, enfin, est né d’une précipitation similaire - je l’ai écrit (90% de l’EP), en une semaine entre Noël et le jour de l’an 2022 alors que j’étais enfermé dans mon bureau à cause du COVID. Alors que la fièvre avait commencé à faire bouillir ce qu’il restait de mon cerveau j’ai eu cette idée de mettre un point final à Disparaître ici, qui ne devait être qu’un projet transitoire en attendant de sortir la première partie du Journal de la fin du monde, mais qui finalement est resté plusieurs mois sur la toile.
Ce que ces 5 premières années m’ont appris, c’est qu’un projet créatif ne se fait jamais simplement, jamais dans les délais, et que plus il met du temps à sortir, plus il prend de l’ampleur, ou plus nous finissons par le détester.
Actuellement en train de travailler bec et ongle sur la suite de DLS (retrouvez les premiers articles dans la section backstage) - je savais que je n’aurai pas le temps d'accorder des semaines de travail à ce fameux point final, et que si je me lançais dans quelque chose, il faudrait que ça soit dans une limite de temps précise. Fixé pour une sortie en avril, c’est finalement en mai que le projet est sorti - et un mois de retard, c’est rien pour moi.
HISTOIRE ET MÉDITATION
L’histoire ici n’a rien de très narratif. D’ailleurs je pense qu’aucune des pièces de cette trilogie ne l’est vraiment. Disparaître, enfin 20min, pas une seconde de plus. Il m’aurait été facile de faire plus, sachant que 20min c’est approximativement le temps que dure Ne fais pas comme moi sur l’album Je vendrai mon âme au Diable, mais ce n’est pas ce que je voulais. Je n’ai pas choisi cette durée pour rien. Vers la fin de l’enregistrement de Disparaître ici j’ai suivi un enseignement de méditation transcendantale qui est une technique de méditation qui se pratique quotidiennement 2x20 minutes par jour. Et qu’il s’agisse d’un placebo ou ce que vous voulez, ça m’a métamorphosé. J’ai commencé cet apprentissage afin de calmer une colère que j’avais en moi depuis plus de la moitié de ma vie, une colère qui m’a amené à faire du mal à moi même, mais aussi aux gens qui m'entourent, à être possessif, anxieux, paranoïaque, à mettre des coups de poing dans les murs, etc… Et puis il y a eu le COVID qui nous a tous changé et qui pour certains d’entre nous, nous a fait perdre des proches et c’est dans ce contexte que Disparaître ici a été écrit. Je pratique la MT quasiment quotidiennement maintenant et ce depuis presque 3 années. Et je vais pas vous faire le topo de l’influenceur / développeur personnel / et tous ces trucs souvent proposés par des gens qui feraient mieux de s’aider eux avant de vouloir aider les autres - mais si vous avez une dépression, une rage, un mal-être, ou quoi que ce soit, peut-être que ça vous aidera autant que moi.
Dans Disparaître ici, j'évoque cette notion de fin du monde qui trouvera pleinement son sens dans ce qui viendra dans la prochaine trilogie. Dans Disparaître, enfin je prends le temps d’aller au plus près de la narration, et de raconter cette disparition à travers les yeux de celui ou celle qui s’envole vers un ailleurs. Cet Ep qui peut se découper en plusieurs parties peut aussi être écouté en un bloc (comme vous pouvez le faire sur le bandcamp).
01. Disparaître, enfin
Tout commence avec Disparaître, enfin qui est la suite directe de l’EP précédent car il en reprend les sons, il les étire, les noie dans la reverb, car nous ne sommes tout simplement plus là. Nous nous éteignons, nous fermons les yeux une dernière fois, prêts à un grand voyage. Notre cœur s’arrête, et tout peut enfin commencer.
02. Calme plat et lumière
Ce titre est une réponse à Calme, luxe et volupté présent sur J’vendrai mon âme au Diable, pas dans son sujet, mais que par sa forme. Là où le premier était très rock, avec pleins de guitares, de la batterie, de la basse, une structure plus complexe, etc… Calme plat et lumière est lui beaucoup plus minimal, reposant à moitié sur de simples notes de guitare jouées à l’harmonique et d’une simple voix pleine de fièvre, enregistrée presque dans mon lit et une partie où la guitare laisse place à un très simple orchestre de chambre. C’est ce moment où, alors que la fameuse lumière blanche est devant nous, et nous devons faire un choix. Des choix nous avons dû en faire toute notre vie, des faciles, des plus complexes et parfois ce sont les autres qui ont fait les choix pour toi - mais celui-ci est très probablement le dernier. La dualité entre le minimalisme (l’acceptation, le calme) et la violence (l’arrogance, la tristesse) entre les deux morceaux représente cette décision que notre protagoniste doit faire pendant que nous écoutons son voyage. Une chose est drôle c’est que dans le passage “La vois-tu cette lumière qui brille si loin, qui éclaire ton destin ? Alors …” il est compliqué de savoir si nous entendons fuis la ou suis la. C’est quelque chose que j’ai découvert lors du mixage du titre - alors que dans mon carnet et ma mémoire, je suis persuadé d’avoir écrit et chanté “suis là”. Après chacun fera son choix.
03. Point de non retour
Restant sur le prisme narratif fixé, celui de raconter le passage vers un autre monde, point de non retour présente ce moment où nous ne pouvons plus reculer. Je ne pouvais pas mettre des voix types cathédrale, ou chant religieux pour cette partie, qui certes aurait bien marqué d’une manière canonique la montée au ciel d’un mort, mais chez moi rien de religieux. En revanche je voulais des voix qui accompagnent et rassurent le voyageur et pourquoi pas un harmonica, cette instrument si facilement transportable et qui peut se jouer seul, l’instrument des solitaires dans les westerns, qui peut être aussi festif que mélancolique - je pense que c’est d’ailleurs lui qui dans ce morceau apporte le plus de lumière. Mais il s’agit de mourir, et si la vie est une fête, la fin de cette dernière doit-elle l’être vraiment ?
04. Sweet delight, endless night
Même si nous avons pris notre décision, et qu’une épée de Damoclès nous a été retirée, il n’en reste pas moins que dans un dernier instant quelques regrets puissent venir nous cueillir. Se rappeler des nuits sans fin, des sourires, des longues conversations, de voir de nos yeux fatigués mais remplis d’un je ne sais quoi qui nous lie, la ville se réveiller, de tout ces moments de douceurs… le passé est le passé, et nous sommes morts, tout ça n’a plus d’importance maintenant.
05. Élevation
L’élévation, le dernier palier. Tout cet EP aurait pu s’arrêter là, un long tunnel rempli de lumière, une promesse d’un silence et d’un repos éternel, du calme, de la simplicité. Même si c’est la partie la plus simple, elle est celle qui est probablement ma préférée. En tout cas, placée à ce moment de l’EP, lorsque je suis allongé, mon casque sur les oreilles, c’est encore le moment où tout mon corps est en ébullition. J’imagine un corps s’élevant en l’air dans une lumière blanche très forte, qui augmente jusqu’à avaler toute l’enveloppe physique de l’être en question. Jusqu’à venir annihiler nos sens.
06-07. J'en ai marre de pas crever & ... Sans laisser de trace.
Ces deux morceaux ont été composés ensemble, et peuvent être considérés comme le générique de toute cette aventure. J’en ai marre de pas crever est la fin de Disparaître enfin, mais aussi de l’ensemble de cette trilogie. Je termine ici je pense avec un texte (car oui, il y a un texte dans la version vidéo ci-dessous), qui était le texte écrit pour clôturer Disparaître ici. A l’époque je n’y avais pas trouvé de place, mais ici il s’y trouve parfaitement. Et si je n’ai pas gardé la version texte dans la continuité de cet EP, c’est car je voulais que vous puissiez terminer le voyage avec vos mots ou leur absence. Ce texte a sa saveur malgré tout, celle qui a du sens pour moi. Et comme à la fin d’une méditation on se sent plus léger lorsque nous acceptons de laisser les choses et les gens partir et disparaître, que ce soit pour toujours, ou non.

En tout cas, il est temps de fermer les yeux maintenant.
Conclusion
Je suis heureux d’avoir réussi à clôturer cette aventure afin de pouvoir maintenant avancer sur la suite sans être resté sur ma fin. Certes, ce parcours musical ne glane que quelques dizaines personnes, une centaine tout au plus, mais il est bien comme ça, et la suite ne cherchera probablement pas à ouvrir ce projet à plus de monde. J’ai eu la chance d’avoir des soutiens fréquents, malgré les mois d’absence et de doute, d’avoir été aidé et entouré par des personnes chouettes et sans qui rien de tout ça n’aurait pu arriver. Au cours du parcours, il y a eu des ratés, des déceptions, des frustrations, mais quand je prends du recul et vois le résultat, je me dis que beaucoup de chemin a été parcouru, d’autant plus que la suite est déjà quasiment prête et qu’un avant goût sera présenté pour la première fois en publique dans moins de deux mois maintenant. Plus d’informations seront données sur la page Facebook, le compte Instagram ou sur le blog du site. En tout cas, merci à vous, merci à tout le monde, merci aux disparus, merci à toi qui lira peut-être ça. Je ne vais pas éterniser ces adieux, du travail m’attend.
Et pour terminer, n’hésitez pas à soutenir comme vous pouvez ce projet et plus globalement les artistes que vous aimez, que ça soit financièrement en les aidant dans le développement via l’achat de merch ou autre, ou alors en partageant leur travail sur les réseaux ou en en parlant autour de vous. Et si le cœur vous en dit, vous pouvez aussi envoyer un petit message, un peu de bienveillance dans ce monde fait toujours du bien.
A bientôt.
Love.

Chinaski